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Mon séjour dans le préventorium lozérien d'Antrenas en 1960

29 mars 2021

A l'âge de 8 ans j'ai passé 6 mois dans un préventorium. C'était l'enfer !

Préventorium lozérien, c'était son nom. Situé à Antrenas, à 5 km de Marvejols. J'y ai passé 6 mois du 14 mai au 13 novembre 1960 pour soigner une primo-infection tuberculeuse dans cet etablissement dirigé par les soeurs de la confrérie de Saint-Vincent de Paul.

Mon docteur de famille m'avait dit : Tu va connaître las-bas la vie de château ! J'y ai connu l'enfer.

Rassurez-vous le centre depuis plus de 40 ans n'est plus un préventorium.

Les religieuses n'y sont plus et les enfants qui l'ont fréquenté ces dernières décennies ont connu ce que mon docteur m'avait assuré : "La vie de château".

 

À 7 ans, j'ai contracté le microbe de la tuberculose.

Eh bien oui, c'est vrai, j'ai été en contact avec le bacille de Koch et fait une « primo-infection » en 1959. C'est au cours élémentaire que nous étions dépistés par la fameuse « cuti-réaction ». Ce test consistait à nous entailler légèrement le bras avec une plume d'écriture et recouvrir la plaie d'un liquide qui contenait des germes de la tuberculose. Deux jours après, n'ayant pas eu de réaction, on a donc approfondi les examens (prise de sang et radio des poumons) pour conclure que j'étais bien en contact avec le bacille de Koch. J'ai quitté l'école en mars et j'ai commencé un traitement au RIMIFON (un cachet par jour). Par la suite, mon docteur de famille a conseillé à mes parents de me placer dans un préventorium pour changer d'air. Tu verras, m'a dit le docteur, tu vas connaître la vie de château ! J'étais le plus heureux, je racontais à mes camarades de quartier que j'allais aller dans un château avec un donjon, un pont-levis... Il donna à ma mère une plaquette publicitaire de cet établissement : le grand luxe. Un bâtiment magnifique, des salles lumineuses, une pub comme on en trouve dans les agences de voyage. Le docteur connaissait l'appartenance religieuse de mes parents, il avait donc choisi cet établissement parce qu'il était géré par des sœurs. J'étais rassuré de les voir en photo sur la plaquette. Je m'approchais du paradis sans me douter que j'allais connaître l'enfer ! La maladie n'était rien en comparaison du préjudice moral que j'ai subi durant les six mois passés au « Préventorium Lozérien ».

Pavé Rimifon description

 

 

     
Pavé Dépliant

 

 

Mon arrivée au Prévent.

C'est ma mère qui m'a accompagné au préventorium qui était situé en Lozère, à Antrenas exactement, un petit village près de Marvejols. Nous sommes partis de Marseille en train, un soir vers 22h00. Nous avons voyagé toute la nuit, les trains étaient tractés à l'époque par une locomotive à vapeur ! Une dame conduisait aussi son fils au même préventorium. Ma mère avait fait sa connaissance lors d'une consultation en radiologie. Le lendemain matin, arrivés en gare de Marvejols, nous avons donc pris le même taxi pour nous rendre à Antrenas. La mère supérieure, Sœur Gouffier, nous a reçus dans son petit bureau pour les formalités administratives. Très rapidement, ma mère et sa compagne de voyage nous ont quittés pour reprendre le train. J'ai été conduit dans un pavillon un peu à l'écart, où nous étions mis en quarantaine. Il se nommait « le lazaret ». C'est Sœur Étienne qui s'occupait de nous, assistée d'une fille du village et d'un jeune moniteur moins sympathique, surtout lorsque j'ai reçu de lui une première gifle car un matin nous parlions avant l'heure du lever... Je me souviens que je racontais l'incendie du dépôt de pétrole de Mourepiane qui avait eu lieu en 1958. Je me souviens aussi du rêve de ma première nuit. J'étais dans une gare animée par le bruit des lâchers de vapeur des locomotives, par les coups de sifflets, par les sautillements des wagonnets à bagages... J'attendais le train qui me ramenait chez moi. Un moment de bonheur qui s'envola rapidement car c'était l'heure du réveil. Le rêve que je venais de faire était en réalité provoqué par le bruit du chariot qui nous amenait les bols du petit-déjeuner, le sifflement de je ne sais quoi dans la cuisine annexe au rez-de-chaussée, le vrombissement du monte-charge, les sœurs qui parlaient.

   mes bulle

 

Photo du Lazaret  Photo du Lazaret 2

Le lazaret, pavillon d'accueil pour mise en quarantaine.

J'ai passé quelques semaines dans ce pavillon. Les deux photos ci-dessus est plus récentes, mais il était bien comme je l'ai connu, avec un petit parc en fond et de grands arbres. Je n'ai pratiquement aucun souvenir de moments agréables durant cette période. Je pense que j'ai dû participer à des cours en classe car je me souviens bien d'une récréation. Un groupe de jeunes avait été puni par Sœur Étienne. Ils devaient tourner autour du parc en file indienne, les mains derrière le dos, tête baissée pendant que nous, nous amusions au milieu d'eux. Je jouais mais j'étais aussi mal à l'aise que ces petits camarades.

Les repas. Un calvaire pour moi.

Mon plus gros souci pendant ces six mois passés à Antrenas a été celui de l'alimentation. Je ne mangeais pas tout ce qui était servi car je trouvais certains plats peu appétissants. Le riz en sauce tomate n'avait qu'un goût de tomate sans assaisonnement ni aromates. Le pire était le rôti de je sait quelle viande. Il était servi froid, en tranche fine comme on sert le jambon et, pour couronner le tout, truffé de nerfs. Quand on avait cette tranche, j'essayais de trier le peu de viande tendre, ce qui mettait en furie Sœur Gabriel. Elle fonçait sur moi, me découpait la tranche et me forçait à la finir. C'était horrible, les nerfs de cette viande grésillaient sous mes dents et plus horrible encore, l'acharnement sur moi de cette fameuse Sœur Gabriel. J'ai découvert sur Internet qu'elle s'appelait en fait Sœur Jean-Gabriel. Elle était très particulière. Certains ont de très bons souvenirs d'elle, moi je n'en ai que des mauvais et même très mauvais.

Parmi ces mésaventures, je peux raconter celle qui m'a le plus marqué. Elle s'est produite le jour où elle m'a puni, toujours parce que j'étais catalogué comme « mauvais mangeur ». Ce jour-là, elle me retira de ma table et me dit : puisque tu ne manges pas bien, je vais te mettre à la table des « vomisseurs ». C'était une table voisine de la nôtre.

J'avais donc en face un petit camarade qui paraissait plus jeune que moi. Il devait avoir sept ans. Ce jour-là, au menu, on nous servit des lentilles. À mi-repas, ce jeune coéquipier de table s'arrêta de mâcher et soudain vomit tout son repas dans l'assiette. La sœur Gabriel n'était pas loin et arriva comme une furie. Elle lui empoigna le bras et, tout en le secouant, lui dit : « Tu as vu ce que t'as fait ! Tu vas me remanger tout ça et tu ne quittes pas la table tant que tu n'as pas fini ! » Le petit l'a écoutée, il a remangé cette puanteur.

Un autre jour, Sœur Gabriel s'en prit encore à moi, prétextant que je ne mangeais pas assez vite. Il y avait de la salade au menu. Sans rien me dire, elle me traîna par le bras au milieu de la pièce, tenant mon assiette et ma fourchette d'une main. Elle embrocha violemment quelques feuilles de salade et les présenta devant ma bouche. Je m'avançais en ouvrant grande cette dernière, elle reculait, je m’avançais elle reculait à nouveau. À la troisième tentative, elle m'enfonça la salade au fond de la bouche. Elle s'amusa à ces jeux jusqu'à ce que je finisse mon assiette.

 

C'est le réfectoire comme je l'ai connu. Les petites tables étaient hexagonales, en formica, une bordure en plastique noir. C'était les années 1960. La porte du fond donne sur la salle de jeux.

Le simulacre du dentiste.

Le préventorium était très bien équipé. Il disposait bien sûr d'une salle pour les radiographies, mais aussi d'un cabinet dentaire. Le dentiste de Marvejols venait tous les mercredis. Sœur Gabriel avait imaginé une nouvelle stratégie pour me forcer à manger un peu plus. Elle me dit un jour : puisque tu ne manges pas, on va t'enlever les dents, tu iras mercredi chez le dentiste. Je ne comprenais plus. Comment ferai-je pour manger plus si on m'enlève les dents ? Je suis donc tout de même allé le mercredi chez le dentiste. Dans la petite salle d'attente, nous étions deux ou trois gamins à attendre. La porte s'ouvrit et Sœur Gabriel, qui était avec le dentiste, m'appela. Elle me fit promettre de mieux manger et me laissa partir. Elle recommença trois fois ce simulacre. La troisième fois, elle poussa le vice à me faire asseoir sur la chaise du dentiste. Ce dernier mis sa roulette en marche ! Je me suis dit, cette fois c'est pour de bon, il va m'enlever les dents ! Bien entendu, ça s'est terminé comme les deux fois précédentes. Alors tu mangeras ? - Oui ma Sœur !

         

Les birmanes.

Soeur JEAN GABRIEL  Promesse scouts soeur Gabriel  scouts avec soeur gabriel  

Ce sont les photos de Sœur Gabriel que j'ai retrouvées sur Internet. Elle s'occupait au sein du préventorium d'un groupe de scouts. Les anciens qui m'ont parlé d'elle en gardent de bons souvenirs, mais je pense qu'elle avait ses « souffre-douleur », et j'en faisais partie. Il y en avait d'autres. J'ai assisté une fois à une séance assez dure. J'attendais dans son infirmerie car elle devait me faire une piqûre de fortifiant. Elle entra avec un plus jeune que moi qui était en pleurs. Il avait fait dans ses culottes un peu avant. Elle lui fit une piqûre et le menaça de reconduire cette punition s'il recommençait. Je vous laisse imaginer les cris et les pleurs de ce petit copain qui n'avait que sept ans.

La sieste, une séance particulière.

La sieste au préventorium était une véritable organisation car elle ne s'effectuait pas dans les dortoirs mais dans la salle de jeux attenante au réfectoire. Elle était entièrement gérée par monsieur Garel, qui était le factotum de l'établissement. Avant la fin du repas, ce monsieur mettait en place dans la grande salle de jeux des lits de camps style (ou provenance) de l'armée. Il se faisait aider d'un jeune qui était déjà adolescent. Bizarrement, c'était le seul jeune beaucoup plus âgé que nous. Dès le repas fini, on se dirigeait vers la salle où les lits étaient alignés sur deux ou trois rangées. Il y avait au fond les toilettes, et il fallait tous aller y faire son « pipi » dans un silence religieux, surveillés par monsieur Garel qui n'était pas commode. Ensuite, on s'allongeait sur le lit de camp sur le dos, les bras le long du corps et la tête tournée vers Monsieur... qui était assis au fond de la pièce. C'était une stratégie qui nous empêchait bien entendu de bavarder avec le petit voisin car nous n'étions pas face à face. Je ne cache pas que la plupart du temps, on prenait vite le sommeil. Après la sieste, qui devait durer facilement deux heures, Sœur Gabriel distribuait les thermomètres pour vérifier notre température avant qu'on parte en promenade.

Mon séjour à l'infirmerie.

Pendant tout mon séjour, la préoccupation de mes bourreaux était de me faire grossir. J'ai donc fait un petit séjour qui dura environ trois semaines à l'infirmerie. Celle-ci était au dernier étage du bâtiment principal. Elle était gérée par une sœur assez sympathique en apparence, mais qui m'a tout de même martyrisé quelques fois. Je n'ai plus souvenance de son prénom, elle était petite, portaient des lunettes de myope et lisait comme magazine Perlin et Pinpin (vous devinez son niveau intellectuel). L'infirmerie était une pièce comprenant huit lits répartis dans des box vitrés ainsi que deux chambres d'isolement vitrées. Un couloir donnait accès aux toilettes, à une salle de bain avec baignoire et une salle de soins. Contre un mur une armoire, une table et une chaise. N'étant pas contagieux, ni vraiment malade, j'avais le privilège de pouvoir prendre mes repas à cette table. Cette faveur m'a permis, les jours où nous avions cette fameuse tranche rôti de viande  immonde, de m'en débarrasser en jetant les morceaux derrière l'armoire qui étaient juste derrière moi. Je n'ose pas imaginer le sort qui m'aurait été réservé si ce stratagème avait été découvert.

Arrivée d'un enfant blessé à l'infirmerie.

Un jour je vois arriver la sœur-mère avec un enfant qui s'était cassé la jambe en tombant d'un arbre. Ils arrivaient de l'hopital où l'enfant avait été platré. La sœur-mère était folle de rage elle l'engueula et lui donna en plus une punition, 1000 lignes à écrire : Je ne dois pas monter aux arbres... Pauvre gosse, comme si la douleur et le traumatisme d'une jambe cassée à son âge ne suffisait pas. On ne pardonne rien chez les sœurs !

À l'infirmerie, j'ai subi un simulacre d'« opération ».

Un jour, la petite sœur m'annonce que pour connaître la raison de mon manque d'appétit, elle allait me faire une opération. À huit ans, une opération pour moi c'était le passage sur le billard, allongé sur la fameuse table, les gros lampadaires etc... Je commençais à stresser. Le jour suivant, elle m'annonce qu'elle fera l'opération lorsque je reviendrai de la promenade, vers 17h00. Ce jour-là, je me souviens que nous étions allés vers le château du docteur Framond, un des fondateurs du préventorium. J'étais très inquiet. À 17h00, je reviens de promenade avec le groupe et comme d'habitude, je remonte seul par les escaliers à l'infirmerie mais cette fois-là j'ai « joué la montre ». Je suis resté assis sur les marches un moment et bien entendu, quand je suis entré dans l'infirmerie, la sœur était rouge de colère. Voilà, tu es en retard, maintenant je n'ai plus le temps, eh bien on fera ça demain !

C'était donc reporté d'un jour et je comprenais qu'il ne fallait pas que je me manque.

Le lendemain de retour de la promenade, j'étais donc à l'heure. Elle me fit asseoir sur un tabouret au milieu de la pièce de soins. Elle saisit un tuyau en caoutchouc de couleur rouge (le même que les anciens tuyaux de gaz de 1,5 cm de diamètre environ). Elle m'enfonça ce tuyau dans la bouche, puis au fond de la gorge et le fit descendre dans l'œsophage. Tout ceci rapidement et sans ménagement. Si j'avais tenté de me libérer, elle m'aurait giflé. Le tuyau me provoqua une envie de vomir lors du passage dans la gorge, mais cette sensation stoppa passé cette zone. Elle brancha ensuite le tuyau à un récipient émaillé équipé d'une poignée et d'un robinet qui devait contenir entre un et deux litres d'eau. Elle le souleva au maximum, ouvrit le robinet et j'ai senti l'eau qui passait dans mon estomac. Une fois le récipient vide elle l'a débranché et m'a retiré le tuyau. C'était ça, son « opération ». Elle m'a alors expliqué que c'était pour s'assurer que je n'avais pas l'estomac bouché. J'ai du mal à croire cette version. Quelques jours après, c'est en me faisant deux prises de sang qu'elle s'est de nouveau acharnée sur moi.

Les prises de sang.

C'est Sœur Gabriel qui m'a fait ma première prise de sang. C'est le seul bon souvenir que j'ai d'elle, car elle était très douée, et je n'ai absolument rien senti. Comme je tournais la tête pour ne pas voir, c'est elle qui m'a dit d'un ton sec : « C'est bon, c'est fini ! ».

Je n'ai pas le même souvenir de celles faites par la petite sœur de l'infirmerie du 2ème. J'ai eu droit à deux séances très particulières. À la première, après avoir mis le garrot, elle enfonça l'aiguille, mais ne trouvant pas la veine, elle la retira. Deuxième tentative, nouvel échec. Troisième tentative, l'aiguille est entrée d'un côté de la veine puis ressorti de l'autre ! Elle a donc décidé de reporter la prise de sang. Le lendemain, elle recommença la séance, mais cette fois, elle choisit une aiguille différente et me fit la prise de sang du premier coup sans problème. Toute contente, elle m'annonça : la prochaine fois, il faudra que je me souvienne qu'avec cette aiguille ça marche mieux !
Apparemment, elle ne s'en est pas souvenue car quinze jours plus tard, elle a recommencé le même stratagème. Avec du recul, je pense que son plan était bien calculé et volontaire.

Bilan du séjour à l'infirmerie.

C'est à l'infirmerie du 2ème étage que j'ai eu le seul mois de bonheur. Je mets de côté l'« opération », les prises de sang et le jour où la sœur m'a frappé puis enfermé au grenier. Je jouissais dans l'ensemble d'un train de vie tranquille. Dans mon box, j'avais droit au petit-déjeuner au lit, les repas je les prenais à table. L'après-midi, je rejoignais les copains en promenade. Je lisais souvent. Mes parents m'avait acheté des Tintin et Milou, la petite sœur me prêtait ses Perlin et Pinpin. J'avais sympathisé avec monsieur Garel, le factotum. Quand il passait nous voir à l'infirmerie, on devinait sa présence avant de l'avoir vu, car il fumait des gitanes papier maïs (bel exemple pour un préventorium). Il avait appris que j'étais abonné à Cœurs Vaillants. Il m'a donc prêté des albums de ce magazine qu'il reliait lui-même, c'était sa passion. Je bricolais aussi. Avec les fonds en bois de boîtes de camembert, je confectionnais des petits avions. C'était l'époque aussi des « scoubidous », j'ai souvenance d'en avoir fait un pour la Sœur Mère en forme de croix. On nous prêtait aussi des jeux d'adresse. Même les séries de piqûres de fortifiants étaient devenues pour moi une passion. Quand la sœur tardait à me faire la piqûre du soir, c'est moi qui lui demandais !

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        Cœurs Vaillants, ma revue préférée, qui fut remplacée par J2Jeunes en 1963.

Pavé les témoignages reçus

Mes visites durant le séjour.

Durant les six mois passés au préventorium, j'ai eu trois visites. La première a été celle de mon père. Il m'avait acheté une voiture miniature (une Rolls) et un livre de Tintin. Je ne me suis pas plaint de la malbouffe, mais je me souviens de lui avoir dit : je me languis de revenir à la maison pour manger ce qui ressemble à de la paille... Il s'agissait de la choucroute. Ensuite c'est mon grand frère qui est venu en été. À Marvejols, il avait un copain qui préparait comme lui l'école d'ingénieurs des Arts & Métiers. Ce dernier lui avait prêté son vélo Solex pour venir de Marvejols à Antrenas. Ma mère est venue aussi une fois. Quand je réalise que pour venir de Marseille à Antrenas il fallait au moins 8 heures de train, j'en conclus que j'ai été vraiment chanceux d'avoir eu ces trois visites.

Lettres de Soeur

La correspondance.

J'ai retrouvé chez moi les lettres que j'ai envoyées à mes parents. Je comprends qu'elles nous étaient dictées – je n'avais que huit ans.

   

Lettre du 5 juillet 1960          Lettres de Soeurlettre envoyées à mes parents

Les promenades, les cabanes.

Tous les jours, nous allions promener aux alentours de l'établissement. Parfois, il nous arrivait de passer devant les cabanes construites par les plus grands. C'est Sœur Gabriel qui les encadrait et les aidait à réaliser ces petites véritables maisonnettes. Les cabanes étaient montées avec des pierres scellées par de la boue mélangée à de l'herbe sèche. Les toits étaient recouverts de branches de genêts. Lorsque ma mère m'a rendu visite, j'ai sauté sur l'occasion pour lui montrer ces fameuses constructions, profitant de l'absence des « bâtisseurs ».

        

Devant les cabanes, deux photos lors de la visite de ma mère.

Notre Dame du Prévent.

  Sur la colline dominant le préventorium, il y avait une statue de la Vierge. Au mois de mai et pour le 15 août, j'ai participé avec tous les enfants à la procession en son honneur. On nous prêtait à cette occasion un très beau pull rouge.

    C'est moi le jour de la visite de ma mère. Cette photo est prise pas loin de la statue de la Vierge.

Souvenir du jeu de la grenouille.

L'aile droite du bâtiment était récente lorsque je suis arrivé au Prévent. À l'étage, c'était un dortoir moderne, au rez-de chaussée, des salles de classe et une petite salle de jeux. J'ai souvenir d'un certain jeu très ancien, celui de la grenouille. J'ai retrouvé cet « instrument » dans une fête de quartier.

 

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Mon départ du Prévent.

C'est le 13 novembre 1960 que j'ai quitté le Prévent : enfin libre ! C'est ma mère qui est venue me chercher. Elle s'était fait accompagner par Tata Mimi, une ouvrière qui travaillait à l'usine où mon père était contremaître. Elles sont arrivées en fin de matinée. Nous avons accompli les formalités administratives dans le petit bureau de la Sœur-Mère. Elle m'a remis un petit souvenir du Prévent : une vulgaire petite médaille de la Vierge en aluminium... Nous sommes ensuite partis dans le petit village d'Antrenas. Il y avait à l'époque une petite auberge. Du menu je n'ai souvenance que du plat principal : un énorme steak poêlé, cuit à point et bien juteux. J'ai encore maintenant le souvenir de son goût ! Un vrai steak comme je n'en avais plus mangé depuis six mois. Un taxi est venu ensuite nous chercher, et dans la gare nous nous sommes installés dans le train qui était déjà en place. Ma mère m'avait acheté une boîte de biscuits Chamonix de l'Alsacienne. Il y avait à cette époque dans chaque paquet un jeu en cadeau. C'était une plaquette en carton prédécoupée. On pouvait y détacher trois petites soucoupes volantes et leur lanceur. Un élastique était fourni avec.

  Boîte de biscuits « Les Chamonix de L'Alsacienne ». Ils se vendent encore sous la marque « LU ».

Comme il n'y avait encore personne dans notre compartiment, j'ai pu facilement m'amuser avec mon jeu (les soucoupes pouvaient aller très loin). J'avais retrouvé la joie de jouer. À un moment, j'ai cru que le train démarrait. Déception rapide, c'était le train stationné à côté du notre qui partait dans l'autre sens. J'étais un peu déçu, mais pas inquiet car je savais que j'allais tout de même rentrer chez moi, retrouver ma maison, ma famille, mes copains. J'étais enfin « heureux ».

Mon retour au Préventorium.

J'ai eu ces dernières années l'occasion de retourner au préventorium. On m'a toujours autorisé la visite des lieux en tant qu’« ancien du Prévent ». C'est le 28 juin 2010 que je m'y suis rendu la dernière fois. J'ai été très bien reçu par les deux secrétaires du bureau d'accueil. Une d'elle m'a donné les dates exactes de mon entrée et sortie du préventorium. Tout était encore archivé. J'ai discuté avec l'équipe d'éducateurs, des personnes sympathiques. Il était l'heure de la sieste ou du temps de repos, un groupe de jeunes s'est dirigé vers l'escalier donnant au dortoir du premier étage sans rechigner et avec le sourire. Quelques ados avaient choisi de rester pour discuter sur la pelouse des espaces verts. Tout le monde était heureux. J'ai trouvé un bâtiment magnifique, complètement rénové, très arboré, plein de couleurs, de joie et de vie.

  

Je retournerai au préventorium car il semble que j'ai laissé là-bas six mois de mon enfance, six mois que j'aimerais gommer, six mois que je voudrais remplacer par ce que j'ai vu ce 28 juin 2010.

                   

Que sont devenues les sœurs ?

C'est en 1973, que les sœurs ont quitté l'établissement. J'en ignore la raison. Pour ma part, je n'éprouve aucune colère ni rancœur malgré les mauvais traitements qu’elles m’ont fait subir (n'ayons pas peur des mots). Je pense dans un sens qu'elles étaient encore plus malheureuses que moi. Étant athée, j'en conclus que Dieu ne pourra jamais leur pardonner. Moi je le fais.

Historique du Préventorium.

    Dans l'entrée du parc, on trouve un petit monument en reconnaissance au docteur De Framond et à la Marquise de Chambrun qui ont eu l'initiative en 1934 de créer le préventorium. L'établissement a été inauguré en 1935. 

    Photo du Château de la famille Framond. C'est un château du XIXe siècle. Il se situe à 800 mètres du préventorium. Nous y allions quelquefois en promenade.

Pavé les Fondateurs du préventorium

Mis à jour le 30 janvier 2022

 

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Mon séjour dans le préventorium lozérien d'Antrenas en 1960
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